Robot dans les vignes : Remplacer le glyphosate par un travail du sol robotisé
‘‘Nous avons investi dans le futur’’
Êtes-vous un viticulteur ? Êtes-vous intéressé par la technologie ? En juin 2022, AgTech Market part à la rencontre des viticulteurs Français pour discuter méthodes de travail, challenges et innovations.
Plus d'informations sur le projet ici : EXPLORATION DU VIGNOBLE FRANÇAIS
Pourquoi avoir investi dans la robotique ? As-tu reçu le soutien de subventions ?
Initialement, les 55 hectares du domaine étaient désherbés chimiquement. Avec toutes les études menées sur l’impact des herbicides, l’utilisation des produits chimiques est devenu plus restrictive, et ils risquent d’être interdits dans les prochaines années. De notre côté, ça fait quelques années qu’on souhaitait faire évoluer le domaine et supprimer les herbicides de nos méthodes de travail. Il était devenu primordial de trouver une alternative aux désherbants chimiques.
Après s’être renseigné sur les possibilités pour remplacer les produits chimiques, on a identifié deux options. L’option classique du tracteur, qui coutait environ 140 000 € avec un tracteur Vario et ses outils, plus et il fallait qu’on trouve un tractoriste compétent pour s’occuper du travail du sol. Où l’option d’un robot de désherbage, avec ses outils intégrés, qui coûtait certes plus chers , pour 180 000€, mais sans avoir besoin de trouver un tractoriste supplémentaire sur le domaine.
Pour le moment, nous n’avons encore reçu aucune subvention même si nous avons déposé un dossier au PCAE (Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles). Si le dossier est validé, nous pourrions récupérer au maximum 57 000€, soit le robot a un peu plus de 140 000€.
Au vu du peu d’écart sur le prix final entre les deux solutions et la difficulté pour recruter des tractoristes qualifiés dans le secteur, on a décidé de parier sur l’avenir !
Comment as-tu choisis la technologie de robot la plus adaptée pour ton vignoble ?
Le projet a commencé à murir dans ma tête début 2021. Je me suis d’abord renseigné sur les machines qui existaient sur le marché, en regardant beaucoup de vidéos. Ensuite je me suis inscrit pour participer à des démonstrations publiques qui avaient lieu dans ma région. Ces évènements d’une demi-journée permettent de rencontrer les constructeurs qui présentent leur machine en condition réel chez des viticulteurs, en partenariat avec les distributeurs.
J’ai donc participé à deux d’entre elles avec deux constructeurs différents. Quand on songe à investir dans ces technologies, je pense qu’il est important de venir les voir tourner en conditions réelles. C’est plus parlant qu’une vidéo, et ça permet aussi de rencontrer les constructeurs et leurs distributeurs, de comprendre leur vision produit et bien évidement se rendre compte de la capacité machine en vrai.
Après ces démonstrations publiques, j’étais plutôt convaincu dans mon choix, mais je voulais absolument tester la machine sur mes parcelles avant de passer à l’achat définitif. Nous avons donc organisé une démonstration d’une journée sur le domaine. L’idée était de voir si le robot pouvait travailler dans les conditions propres à mon domaine, avec des parcelles vieillissantes et qui n’ont jamais été travaillées. On en avait aussi profité pour tester d’autres outils comme des intercepts, les disques émotteurs et trainés, les doigts Kress et la décavaillonneuse, pour voir ce qui fonctionnait bien avec le type de sol du domaine.
Comment as-tu appris à utiliser le robot ? En combien de temps es-tu autonome ?
En plus des démonstrations que j’ai faite, à la réception du robot il y a eu une journée de formation faite sur place avec un expert du constructeur. Cette journée permet d’appréhender la machine et ses réactions, comment gérer la présence humaine éventuelle et les autres engins. On revoit aussi l’ensemble montage/démontage des outils et leur réglages respectifs. Et on termine la formation par se rendre dans une des parcelles pour mettre en route la machine en mode autonome.
Pour lancer la machine, j’ai rapidement été autonome, à la fin de la journée de formation c’était bon. Pour le travail du sol ça été plus compliqué puisque nous n’avions aucune expérience dans ce domaine. Heureusement, nous avions passé un accord avec le concessionnaire pour qu’il nous forme la première année sur le travail du sol. Il est donc revenu plusieurs fois sur le domaine pour nous montrer comment et quand utiliser les outils. Mais après une bonne journée sur chaque outil, de bons conseils et quelques repères visuels sur les éléments, maintenant ça roule tout seul !
Comment s’est passé la mise en route de la machine, les bons côtés comme les mauvais ?
Pendant la première semaine de lancement du robot et avec un bon suivi du concessionnaire et du constructeur, nous avions réussi à désherber 12 hectares. Ce qui est très encourageant pour une mise en route, surtout qu’aucun travail du sol n’avait eu lieu précédemment dans ces parcelles.
On a rencontré principalement deux problèmes les premières semaines, une carte électronique défaillante et la cartographie décalée. Si le premier élément a été rapidement remplacé par un nouveau composant, en ce qui concerne la cartographie ça a pris un peu plus de temps.
Sur les 55 hectares du domaine, nous avions volontairement demandé au constructeur de cartographié 33,4 hectares. Car il faut savoir que certaines de nos parcelles ont été plantées au cordeau par mon père et son père il y a plus de 40 ans. Ce qui implique que certaines parcelles peuvent être tordues et il en va de même pour certains pieds de vigne. Il nous a donc fallu quelques passages de robot avant de pouvoir régler avec le constructeur tous les écarts entre la cartographie et les rangs, ça nous à couté quelques pieds de vignes.
Comment as-tu adapté ton vignoble et tes méthodes de travail pour le robot ?
Une partie du vignoble est constitué de pieds de vigne vieillissants, tordues et fragiles. On sait que si on met le robot dans ces conditions de parcelle, il risque d’en arracher une bonne partie. Si on veut que son robot tourne autonomie sans intervenir il faut le mettre dans les bonnes conditions. A l’heure actuelle, c’est encore à nous et à nos parcelles de s’adapter au robot.
Dans les 33,4 hectares de parcelles, j’ai par exemple changé tous les tuteurs des parcelles qui étaient trop fragiles pour réussir à protéger les jeunes pieds de vignes des outils du robot.
Après forcément, entre un désherbage chimique et un désherbage mécanique, il a fallu tout réapprendre et heureusement que notre concessionnaire était là. Une vigne qui n’a jamais été travaillée à un système racinaire de surface et fragile. Les premiers passages de robot vont fragilisés les plants avant qu’ils ne s’adaptent et développent un réseau racinaire plus solide. On sait aussi que durant cette première année de transition, on risque de perdre environ 10% de production, mais par acquit de conscience il faut passer par là !
Le vignoble va doucement évoluer avec le robot. Nous allons arracher environ 12 hectares de vieilles parcelles dans les prochaines années pour replanter dans des conditions plus propices à l’utilisation du robot.
As-tu déjà vu une évolution de ton robot ? Comment l’utilises-tu ? et combien d'heures ?
On a de la chance sur le domaine, on a des parcelles de 5 à 10 hectares qui se prêtent bien à l’utilisation de cette machine. Ensuite on est sur du 3 mètres d’écartement, ce qui facilite le passage du robot et permet d’avoir une bonne productivité. On travaille à 5 - 6km/h avec intercepts, disques émotteurs et trainés, doigts Kress et décavaillonneuse, on arrive à couvrir 1 hectare en 1h15 - 1h30, ce qui permet de facilement faire plusieurs passages par parcelle.
Je n’ai pas encore totalement confiance dans la cartographie pour me consacrer à une autre activité tout en le surveillant, du coup pour le moment je reste quelques mètres derrière la machine, mais ça m’arrive que durant une demi-journée, je n’intervienne pas.
En 4 mois d’utilisation, on a déjà utilisé la machine entre 80 et 100 h, et désherber 80 hectares, 2/3 passages en fonction des parcelles. C’est encore un peu tôt pour avoir perçu une grande évolution. Je sais que les demi-tours sont passés de 40 secondes à 15 secondes, et que d’autres mises à jour ont eu lieu pour corriger des erreurs et rajouter des fonctionnalités.
Comment espères-tu voir ton robot évoluer, s’améliorer dans les prochaines années ? Est-ce que tu penses déjà à automatiser d’autres tâches ?
Pour le moment on le fait travailler sur 33,4 hectares, mais il est prévu qu’il s’occupe des 55 hectares du domaine. Il va aussi continuer de progresser en fiabilité, productivité et en autonomie. Pour l’autonomie, j’espère que la machine pourra mieux détecter les humains et interagir de mieux en mieux avec son environnement, c’est une étape clef pour la rendre encore plus autonome sans que je sois là.
Législativement, ça serait bien que la loi progresse et puisse nous autoriser à nous éloigner de plus en plus loin du robot, ça me permettrait d’effectuer d’autres tâches ailleurs.
Et finalement, bien sûr, j’aimerais pouvoir utiliser le robot sur d’autres activités que le travail du sol pour le rentabiliser encore plus rapidement. Je pense notamment à de nouvelles fonctionnalités comme le broyage, le pré-taillage ou encore le rognage. Si on adapte notre vignoble à l’arrivée de ce robot, c’est parce qu’on se prépare déjà à l’étape d’après, c’est un pari sur l’avenir.
Quels conseils donnerais-tu aux autres agriculteurs qui envisageraient d'acheter un robot ?
Je conseillerais de bien se renseigner sur les différentes machines présentes sur le marché, aller les voir et les tester sur son exploitation, pour voir et savoir laquelle est la plus adapté à vos besoins.
Ensuite je dirais qu’il ne faut pas craindre de devoir adapter et faire évoluer son exploitation pour que le robot puisse travailler, ça semble être un gros obstacle au début, mais une fois que c’est mis en place, ça facilite la vie !
Et pour finir sur la partie financière, chaque projet et chaque banquier sont différents. Mais en général, dès le moment qu’un projet est bien étudié, bien préparé et viable sur le moyen/long terme, le banquier nous suit !
Et pour ceux qui le souhaitent, ils peuvent passer au domaine pour voir comment on a intégré le robot à l’exploitation.
Est-ce qu’il y a d’autres technologies que tu attends tout particulièrement ?
Avant d’investir dans ce robot, je me suis renseigné sur le désherbage à la vapeur d’eau et le desherbage électrique, mais les retours que j’ai eu, ne m’ont pas convaincu.
En ce moment, je me renseigne sur le traitement confiné. Après avoir drastiquement limité notre consommation de glyphosate sur le vignoble, j’aimerais bien réussir à diminuer la consommation des autres produits phytosanitaires aussi.
Avec le gel des dernières semaines, je me renseigne aussi sur les tours antigel. On en a déjà une qu’avait fait construire mon père en 1997. C’est toujours un gros investissement, mais il suffit une année de gel pour qu’elle soit remboursée.
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